
En 2024, le Ministère des Solidarités et de la Santé a déclaré que moins de 10% des sites internet en France étaient totalement accessibles aux personnes handicapées. Et ce n’est pas un simple retard technique, car 40% des sites web montrent peu ou pas d’efforts pour améliorer leur accessibilité numérique (selon Contentsquare).
Derrière ces chiffres, c’est un enjeu humain majeur qui se dessine. Plus d’1 milliard de personnes dans le monde vivent avec un handicap et rencontrent encore trop souvent des difficultés pour accéder à des services en ligne aussi courants qu’acheter, réserver, ou simplement s’informer.
Cependant, la notion d’accessibilité numérique reste encore floue pour de nombreuses entreprises : est-ce un simple enjeu UX ? une obligation technique ? des contraintes juridiques ? En réalité, l’accessibilité web est à la croisée de plusieurs dimensions : humaine, technique, légale et business.
Accessibilité numérique : de quoi parle-t-on vraiment ?
L’accessibilité numérique désigne la capacité d’un site web, d’une application ou d’un service digital à être utilisé par tous, y compris les personnes en situation de handicap. Concrètement, cela signifie qu’aucun utilisateur ne doit être empêché d’accéder à un contenu, à une fonctionnalité ou à une action en ligne en raison de ses capacités physiques, sensorielles ou cognitives.
La définition du handicap, selon la loi 2015-102 – Article 2 – L.114 est la suivante : “Toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant.”
Qui est impacté ?
L’accessibilité numérique vise en premier lieu à lever les barrières rencontrées par des millions de personnes en situation de handicap lors de leur navigation en ligne. Ces difficultés peuvent être liées à des troubles :
- moteurs : trouble musculosquelettique, trouble neuromusculaire, membre manquant ou blessé
- visuels : cécité, daltonisme, pathologies de la rétine, etc.
- auditifs : sourds, malentendants
- cognitifs, intellectuels, psychiques : troubles dys (dyslexie, dyspraxie, etc.), trouble de l’attention et de la mémoire, autisme, hypersensibilité sensorielle.
Les personnes âgées, dans une certaine mesure, peuvent également rencontrer des obstacles lors de leur navigation sur un site, une application ou un service digital (perte de motricité ou cécité par exemple).
L’accessibilité numérique liée au E-Commerce
Nous y reviendrons plus en détails dans la suite de l’article, mais dans un contexte E-Commerce, l’accessibilité numérique signifie que chaque utilisateur doit être en capacité de consulter une fiche produit, d’accéder au panier, de finaliser une commande ou même de contacter le service client sans rencontrer d’obstacles.
Des éléments aussi simples qu’un bouton aux couleurs mal contrastées, un champ de formulaire non lisible par un lecteur d’écran ou une navigation uniquement à la souris peuvent entraver l’expérience, stopper l’utilisateur et compromettre à la conversion.

Les WCAG (Web Content Accessibility Guidelines)
Pour aider les entreprises à répondre à ces enjeux, le W3C (World Wide Web Consortium) a établi un ensemble de recommandations appelées WCAG (Web Content Accessibility Guidelines).
La version la plus récente, WCAG 2.2, repose sur le fait qu’un contenu doit être :
- perceptible
- utilisable
- compréhensible
- robuste
Ce référentiel est aujourd’hui la base des obligations légales en matière d’accessibilité numérique, et constitue un socle essentiel pour toute entreprise souhaitant améliorer ses interfaces digitales.
Pourquoi l’accessibilité numérique est devenue incontournable ?
L’accessibilité comporte plusieurs enjeux structurants pour toute entreprise qui propose des services ou produits en ligne.
Les enjeux légaux en France
La loi du 11 février 2005, pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, est la première à introduire l’exigence d’accessibilité des services numériques publics. Elle est renforcée au fil du temps avec la création du RGAA (Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité), les directives européennes de 2016, puis la loi pour une République Numérique en 2018, qui formalise les obligations des services publics et impose la publication d’une déclaration d’accessibilité.

La loi du 28 juin 2025, issue de la directive européenne 2019/882, marque un nouveau tournant. Elle impose aux entreprises privées de plus de 10 salariés ou réalisant plus de 2 M€ de chiffre d’affaires de rendre accessibles leurs sites web, applications mobiles et dispositifs numériques destinés aux consommateurs. Cela signifie que, depuis le 28 juin 2025, il est impératif pour les sites E-Commerce, les plateformes de réservation, les services bancaires et les éditeurs de logiciels de se conformer aux standards établis par les WCAG 2.1 ou 2.2.
Les entreprises concernées doivent également publier une déclaration d’accessibilité, informer les utilisateurs en cas de non-conformité partielle, et proposer un mécanisme de signalement pour permettre à tout utilisateur de faire remonter un problème d’accessibilité.
Les enjeux légaux aux États-Unis
Si votre site E-Commerce s’adresse à des consommateurs basés aux États-Unis, l’accessibilité numérique est aussi un sujet sérieux.
Outre Atlantique, c’est l’Americans with Disabilities Act (ADA) qui encadre l’accessibilité. Cette loi fédérale a été adoptée en 1990 et vise à protéger les droits des personnes en situation de handicap. Historiquement, elle a été pensée pour les espaces publics physiques comme des bâtiments ou les transports, mais elle est aujourd’hui interprétée par les tribunaux comme s’appliquant aussi aux sites internet et applications.
Contrairement à ce que l’on vient d’évoquer pour l’Europe, il n’existe pas de référentiel technique officiel aux USA. Dans les faits, ce sont les WGAC qui servent de standard de référence. Un site qui n’est pas conforme peut donc mener à des poursuites judiciaires, même en l’absence de critères techniques clairement définis.
Les enjeux d’image et de responsabilité
Au-delà de l’obligation, ignorer l’accessibilité en 2025 revient à envoyer un mauvais signal. Inclusion, diversité, responsabilité sociétale… les marques sont de plus en plus attendues sur ces sujets, aussi bien par leurs clients que par leurs équipes internes.
L’accessibilité numérique est une composante essentielle d’une démarche RSE concrète, directement liée aux engagements sociétaux des entreprises. Elle démontre l’action d’une marque, au-delà de la simple communication de ses valeurs. En rendant leurs services accessibles à tous, les entreprises affirment leur détermination à inclure chacun, quelle que soit sa situation.
Donc, ne pas proposer une expérience accessible à tous revient à exclure près de 20 % de la population (selon l’OMS) et à fragiliser la promesse d’une expérience utilisateur fluide, pensée pour tous.
En intégrant l’accessibilité dans votre stratégie, vous montrez que vous prenez position pour une innovation utile, inclusive et durable.
Les enjeux de performance
La prise en compte de l’accessibilité sur une plateforme peut aussi être un véritable levier de performance digitale. Un site accessible est, par définition, plus clair, rapide et mieux structuré. Cela profite donc à tous les utilisateurs, mais aussi aux moteurs de recherche.
Les bonnes pratiques d’accessibilité numérique convergent souvent avec celles de l’expérience utilisateur (UX), du référencement naturel (SEO) et de la conversion. Elles englobent l’optimisation du temps de chargement, la fluidification de la navigation, l’amélioration de la hiérarchisation des contenus et le renforcement de la compatibilité mobile.
Accessibilité et E-Commerce : des impacts concrets sur l’expérience utilisateur
Un site E-Commerce inaccessible peut transformer un simple parcours d’achat en un parcours semé d’obstacles insurmontables pour une personne en situation de handicap, même à cause de ce qui peut sembler être de « petits » détails.
Voici des exemples concrets d’impacts sur l’expérience utilisateur :
- liés à la navigation : un utilisateur qui navigue au clavier (sans souris) peut être bloqué par des menus déroulants qui ne s’ouvrent pas ou des boutons inatteignables, une personne avec une déficience visuelle et s’appuyant sur un lecteur d’écran sera perdue si les éléments de navigation ne sont pas correctement étiquetés ou si l’ordre de lecture est illogique
- liés aux fiches produit : des images de produits sans descriptions textuelles (attributs alt) rendent le contenu inaccessible aux personnes aveugles, des tableaux de caractéristiques illisibles pour un lecteur d’écran ou des vidéos de démonstration sans sous-titres rendent le contenu inaccessible aux utilisateurs malentendants.
- liés au processus d’achat : des champs de formulaire mal étiquetés ou sans indications claires peuvent empêcher un utilisateur de remplir ses informations de livraison ou de paiement, des boutons avec un contraste insuffisant ou d’une trop petite taille peuvent être invisibles ou inaccessibles pour les personnes malvoyantes ou avec des troubles moteurs fins.
- liés au service client : un chatbot inaccessible via clavier, un formulaire de contact qui n’est pas compatible avec les lecteurs d’écran, ou des numéros de téléphone présentés uniquement sous forme d’image, peuvent priver les utilisateurs en situation de handicap de toute assistance
Ces freins, souvent invisibles pour une majorité d’utilisateurs, sont pourtant décisifs : ils frustrent, excluent et poussent à l’abandon. Ce sont autant d’occasions de vente manquées, mais aussi et surtout de rendez-vous manqués avec vos engagements d’inclusion.

Pourquoi maintenant et pourquoi ne pas attendre ?
Si l’échéance du 28 juin 2025 est désormais passée, il n’est absolument pas trop tard pour agir !
Plus vous repoussez les adaptations, plus leur mise en œuvre sera complexe et coûteuse. Corriger un site a posteriori est souvent bien plus onéreux que d’intégrer l’accessibilité dès la conception. Et pendant ce temps, vos concurrents, eux, avancent : en répondant déjà aux exigences légales et aux attentes croissantes des utilisateurs, ils prennent de l’avance en matière de performance, d’image et de parts de marché.
Ne pas agir, c’est aussi exposer votre marque à des risques juridiques et réputationnels. Les sanctions financières existent, et l’impact d’un bad buzz ou d’un boycott numérique peut s’avérer lourd de conséquences, notamment dans un contexte où les consommateurs attendent des marques qu’elles soient inclusives et responsables.
Ainsi, investir dès maintenant dans l’accessibilité, c’est faire le choix d’un site plus performant, plus visible et adapté à un plus grand nombre d’utilisateurs. L’enjeu n’est plus seulement de se mettre en conformité, mais de construire dès aujourd’hui une expérience numérique durable, équitable et réellement engageante.
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